Peut-on anticiper les décisions de nos interlocuteurs ?

« Y'a que la vérité qui compte » est une émission télévisée animée par Pascal Bataille et Laurent Fontaine, diffusée sur TF1 du 10 juin 2002 au 27 novembre 2006, puis dans sa nouvelle version sur C8 à partir du 12 octobre 2023.

 

Le concept est le suivant : une personne demande à la production d'inviter une autre personne sur le plateau pour « lui faire une déclaration importante. » Avant d'entrer sur le plateau, l'invité n'a aucune idée de la raison de son invitation, ni de la personne qui souhaite lui parler. À ce moment, les deux personnes (l'invitant anonyme et l'invité) sont séparées par un rideau et ne peuvent se voir que par l'intermédiaire de deux écrans de télévision. Cela permet à l'invité de connaître la personne qui a souhaité le rencontrer.

 

Une discussion s'engage alors entre les deux personnes. L'invitant expose ce qu'il avait à dire à l'invité : cela peut concerner une retrouvaille familiale, une déclaration d'amour, des retrouvailles d'amis d'enfance, etc. L'invité, quelques minutes après, décide s'il souhaite ou non rencontrer dans la vraie vie l'invitant. S'il refuse, le rideau reste fermé et les deux personnes s'en retournent sans se rencontrer ; s'il accepte, le rideau s'ouvre.

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Dans cette émission du 4 juin 2023, une jeune femme, Magnola invite son ex-meilleure amie, Sandrine. Cela fait 4 ans qu’elles ne se sont pas vues. A l’origine de cette rupture, l’adultère du mari de Magnola avec Sandrine ou de Sandrine avec le mari de Magnola. Cette dernière souhaite retrouver l’amitié de sa meilleure amie de l’époque, semble-t-il. Précaution d’usage dans l’interprétation car elle a Magnola à sa gauche et les animateurs en face d’elle. Je trouve étonnant qu’il n’ait pas pris la peine de s’assoir comme ils le font à l’accoutumée.

 

Plusieurs items corporels nous donnent l’orientation de la décision de Sandrine d’ouvrir ou ne pas ouvrir le rideau permettant aux deux femmes de se retrouver.

 

Il y a, au préalable une agitation marquée chez Sandrine, qui balance sa jambe droite de manière assez effrénée durant toute l’émission, bien que se disant très décontractée au démarrage. Le stress lié à l’incertitude de la situation, et enfin à la gêne peut créer ce mouvement. La gêne parce que c’est elle qui est à l’origine de l’adultère et qu’elle se trouve exposée au jugement devant un public et des téléspectateurs. Mais au départ, elle ne sait pas pourquoi elle est là. Puis elle va découvrir le visage de son ex-meilleure amie.

 

Alors que Magnola s’ouvre à elle pour lui décrire oh combien son absence a été difficile, en 00’05, on observe chez Sandrine, une première morsure de lèvre sur le coté droit. C’est une émotion négative retenue. Comme cette morsure est préverbale (avant l’expression orale), on peut considérer que le propos, la réaction est retenue, contenue.

 

En 00’35, on observe un nouveau mouvement, descendant des lèvres chez Sandrine qu’on pourrait supposer être du mépris ou du dédain, mais il s’agit probablement plus du doute exprimé envers la tentative de Magnola de revenir vers elle. La jeune femme doute de la sincérité des propos de Magnola et probablement du choix de cette émission pour le faire.

 

En 00’39, on observe un mouvement chez Sandrine, réalisé de la main gauche, et plus précisément le pouce (le pouce est le moi), accompagné d’un large mouvement de la tête, pour se remettre une mèche. Ce mouvement se détourne de son interlocutrice. Elle semble dérangée ou agacée par le propos ou le ressenti et le mouvement permet de l’évacuer.

A ce stade, elle nous indique qu’elle est dérangée par la situation, sans verbalement l’exprimer.

 

En 00’46, de manière subtile, on peut voir la langue de Sandrine retenue à l’intérieur de sa bouche. Elle semble vouloir réagir mais se retient.

 

En 01’04, alors que Magnola lui demande si elle veut recréer l’amitié d’avant, on observe chez Sandrine un léger tressautement (rire retenu), et une chimère de dégout (les dents du haut sont visibles et le nez remonte). La chimère est une expression de quelques dixièmes de secondes. Dans la foulée, Sandrine se mord la lèvre gauche, signe d’une émotion plus vive, plus intense, car elle intervient après le propos.

 

En 01’21, c’est un des tournants de l’émission. Alors que Sandrine était assise, droite sur ton siège, elle change de position. Cette position à droite n’est normalement pas une posture de retrait, mais plutôt d’implication si notre interlocuteur se situe en face de nous. Si on estime qu’elle change de posture par rapport à Magnola, à sa gauche, on peut considérer qu’elle s’éloigne d’elle. Sa tête embrasse le mouvement du corps formant un arc de cercle en direction…de la sortie.

 

A ce nouveau stade, on peut déjà anticiper la réaction à venir de Sandrine.

 

En 01’26, le passage de la langue de Sandrine à l’extérieur de sa bouche démontre une tension. Elle en veut probablement à son amie de l’exposer ainsi. D’ailleurs, c’est confirmé par une nouvelle morsure de lèvre côté droit (le côté droit est exogène, l’autre, ce que je n’apprécie pas forcément, ce que je rejette).

 

En 01’51, nouveau mouvement descendant des lèvres de Sandrine (doute, dédain, mépris).

 

Derniers éléments, en 02’36, alors que l’animateur résume la demande de Magnola, on observe chez Sandrine un rire contenu et un mouvement de la tête de gauche à droite. Puis un léger mouvement en avant et en arrière avant la prise de décision.

 

Dans cette courte séquence, l’analyse synergologique® des différents items observés nous oriente sur le ressenti de Sandrine, alors que dans ses propos, son verbal, elle n’exprimait aucune contradiction, aucune virulence, et de ce fait, rien. Tout semblait retenu, contenu, non-dit.

 

Le corps quant à lui nous a donné des pistes de compréhension. Pour ceux en capacité de d’observer, de lire et de comprendre, les observations nous ont permis d’anticiper la décision à venir. Bien entendu, nous aurions peu faire appel à notre intuition en traduisant ce que nous avions sous les yeux en perception, car son attitude n’était pas dans l’abandon, dans l’échange ou l’ouverture. L’intérêt de la discipline est de l’objectiver. Le mieux étant de questionner les invités à l’appui des observations afin de vérifier notre hypothèse qui en reste une parmi d’autres. Si j’étais un peu tordu dans ma réflexion, je pourrais aussi m’interroger sur le véritable objectif de Magnola d’exposer en public son amie au lieu d’aller la voir et d’en discuter. On pourra aussi être critique sur la mise en scène post-plateau où on voit Rebecca, l’animatrice, chercher le lieu de travail de Sandrine, de filmer l’entrée de l’immeuble exposant à tous une femme impliquée dans un adultère. C’est particulièrement malveillant.

 

On le voit ici, de manière légère sur cette émission, mais au quotidien, dans vos présentations, dans vos négociations, vous avez la capacité de savoir dans quelles mesures, vous obtenez ou pas l’approbation de vos partenaires.

 

Je reste à votre disposition si vous avez un projet.